Résister en temps de conflit : le témoignage d’Hekima, partenaire basé en République Démocratique du Congo, à l’Assemblée générale de la SIDI

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Hekima est intervenu dans le cadre de l’Assemblée générale de la SIDI le 11 juin afin de nous permettre de mieux comprendre le rôle des institutions de microfinance au Kivu, marqué par les conflits armés et une forte insécurité, ainsi que la manière dont Hekima parvient à poursuivre ses activités dans ce contexte.

Comme chaque année, l’Assemblée générale est l’occasion pour la SIDI d’inviter l’un de ses partenaires à témoigner. Cette année, nous avons eu le plaisir d’accueillir Laurent Daddy Yamba, Directeur général de l’institution de microfinance (IMF) Hekima, partenaire de la SIDI dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). 

Un partenariat entre Hekima et la SIDI basé sur la confiance  

Les premiers contacts entre Hekima et la SIDI remontent à 2013, et le partenariat a officiellement débuté en 2021. Il repose sur une grande confiance. En termes de financement, la SIDI et FEFISOL (Fonds européen de financement solidaire pour l’Afrique)financent Hekima à hauteur d’1,5 millions de dollars depuis 2021. Parallèlement, et à la demande d’Hekima, la SIDI a intégré son Conseil d’administration, contribuant au débat sur son développement stratégique et maîtrisé : croissance du portefeuille, digitalisation, expansion dans une zone à haut risque.  

Hekima et la situation au Kivu 

Laurent D. Yamba nous a expliqué comment Hekima continue de travailler dans un contexte difficile : depuis janvier 2025, l’offensive menée par le M23, groupe rebelle actif au Kivu soutenu par les soldats rwandais, a entraîné des exactions, déplacement de populations, pertes économiques et une insécurité généralisée ce qui fragilise les activités de l’IMF (voir notre article sur la prise Goma par le M23 et l’impact sur nos partenaires et la population). Le 27 juin, un accord de paix a été signé entre la RDC et le Rwanda mais la situation reste incertaine.  

Fondée en 2007, Hekima est une IMF dont le siège est à Goma et qui est implantée via trois autres agences à Bukavu, Kalemie et Lubumbsahi. Elle compte 8 119 emprunteurs actifs pour un portefeuille de crédits de 9,7 millions de dollars à la fin du premier trimestre 2025. L’IMF s’adresse principalement aux femmes entrepreneuses (78 % de sa clientèle), notamment à travers des crédits de groupe (inspirés des tontines locales) principalement en milieu urbain, en raison des risques liés au secteur agricole informel.  

Depuis janvier 2025, l’argent liquide se fait rare, les IMF deviennent donc des structures stratégiques, mais aussi particulièrement exposées, ce qui met en danger les activités et l’équipe d’Hekima. Entre les violences contre les clients, le pillage des activités des emprunteurs, le ralentissement économique et les difficultés logistiques, Hekima, comme toutes les IMF de la région, a dû réduire ses opérations.  

Laurent Daddy Yamba est actuellement à Kinshasa pour des raisons de sécurité. Les échanges avec les clients sont rendus difficiles, les rééchelonnements de crédits aussi. Si certaines IMF tiennent encore, beaucoup de structures mutualistes “ne tiennent plus que de nom. Elles sont mortes.”  

« Les institutions de microfinance agonisent et ont besoin de soutien – et elles en auront encore plus besoin demain, lorsque la crise sera passée, car il faudra relancer les activités. » 

Les échanges avec les clients sont rendus difficiles, les rééchelonnements de crédits aussi. Si certaines IMF tiennent encore, beaucoup de structures mutualistes “ne tiennent plus que de nom. Elles sont mortes.” 

Maintenir l’activité malgré le conflit 

Malgré tout, Hekima continue de fonctionner et de servir ses clients en s’adaptant constamment. Des points de repli sont organisés pour la collecte et la distribution de fonds, parfois dans des hôtels. L’équipe, bien que dispersée, poursuit ses missions en télétravail et organise des rendez-vous aux horaires les plus sûrs. Tous gardent espoir et restent engagés dans leur mission malgré la guerre civile. 

Ce maintien de l’activité a renforcé la confiance des clients envers Hekima. A Goma, de mars à mai 2025, l’IMF a ainsi pu financer 476 crédits pour un total de 246 000 dollars, sous la forme de petits prêts d’environ 500 dollars, dans une région où la monnaie liquide est rare et cruciale pour l’accès aux soins ou à l’alimentation. Dans cette période complexe, Laurent Daddy Yamba explique comment Hekima privilégie les prêts aux groupes car l’impact est plus important. 

Quelles solutions pour demain ? 

Laurent Daddy Yamba mène également un plaidoyer auprès des institutions internationales et nationales – FMI, Banque mondiale, Banque centrale du Congo – pour la création d’un fonds de relance pour l’après crise. En effet aucune IMF ne pourra faire face seule à la reprise d’activité. Ce fonds de relance comporterait trois volets : des emprunts à taux 0, des fonds de subventions – soit d’équipements, soit du portefeuille –  et des garanties financières rapidement utilisables. Pour Laurent Daddy Yamba, un tel fonds de relance est essentiel pour redémarrer les opérations dès que les conditions sécuritaires permettront le retour des clients en grand nombre. 

Un témoignage porteur de sens 

Inviter Hekima et son Directeur général Laurent Daddy Yamba à notre Assemblée générale est un honneur pour la SIDI, et également une manière forte d’exprimer notre solidarité avec notre partenaire, les populations congolaises et les acteurs de la microfinance au Kivu.  Aujourd’hui, l’enjeu est clair : se tenir aux côtés d’Hekima et préparer l’après-conflit. 

Au Liban, la fragile renaissance d’Al Majmoua et du microcrédit, malgré la crise financière et la guerre

Devant l échoppe

Retour de mission : chaque trimestre, un membre de l’équipe opérationnelle de la SIDI nous partage une mission réalisée auprès de partenaires et de leurs bénéficiaires. Pour sa première mission au Liban, Jean-Baptiste Cousin raconte sa découverte de notre partenaire Al Majmoua, dans un pays encore sous le choc de la crise financière et des récentes attaques israéliennes.

J’ai repris le suivi du partenariat SIDI pour le Liban depuis janvier 2025. Une première mission prévue en février, a dû être annulée au dernier moment en raison des trop nombreux bombardements Israéliens sur Beyrouth, en dépit de la trêve signée. Au mois de mai, je peux enfin partir, avec ma collègue Ariane Bevierre et une délégation de l’ADIE. Lors de cette mission, je découvre la résilience de Al Majmoua, première institution de microfinance au Liban, un partenaire que je connais peu, mais qui est tout à fait dans le ciblage de la SIDI.

Au Liban, les banques ne fonctionnent plus

A mon arrivée, je découvre un pays où il n’y a plus de services bancaires, ni d’activités financières. En 2020, à la suite d’une dévaluation massive, les banques ont confisqué les avoirs des épargnants (90 milliards de dollars !).  L’élite du pays a sorti son argent à temps. Mais le reste de la population s’est retrouvé avec ses comptes bloqués et l’impossibilité de retirer de l’argent, sauf au compte-goutte.  Ces derniers mois, il était encore interdit de retirer plus de 250 dollars par mois. A ce rythme-là, il faudrait 3 000 ans pour que Al Majmoua récupère les 9 millions de dollars séquestrés sur ses comptes. Résultat, plus personne ne dépose d’argent dans les banques, qui n’accordent aucun prêt.

Alors que les revenus moyens se sont effondrés et que 30% de la population vit sous le seuil de pauvreté, la demande de crédit est énorme. Les seuls recours possibles viennent de l’argent de la diaspora ou de la microfinance. Le problème ? Plus aucun bailleur ne veut aller au Liban à cause des pertes essuyées pendant la crise.

La crise financière libanaise a failli emporter totalement notre partenaire Al Majmoua

Avant la crise, Al Majmoua était une institution financière des plus performantes, qui gérait plus de 100 000 prêts. Au moment de la crise, elle se retrouve au bord de la faillite complète. Avec la dévaluation de la livre libanaise, son portefeuille a perdu 99% de sa valeur, vu le taux de change imposé. L’association perd tout son patrimoine financier dans la tourmente :  50 millions de dollars !

La faillite de l’association est évitée grâce à l’apurement de ses dettes par les bailleurs, qui vont assumer des pertes de 50 millions de dollars, dont un million de dollars pour la SIDI.

Des prêts remboursés rubis sur l’ongle

Après avoir failli disparaître, Al Majmoua continue aujourd’hui son activité prudemment. Avec le peu d’argent dont elle dispose, elle délivre des prêts modestes de l’ordre de 500 dollars en moyenne. Elle peut ainsi toucher plus de monde. En avril 2025, elle compte à nouveau 23 000 prêts en cours. Pour 85% d’entre eux, c’est pour soutenir une activité économique.

A Beyrouth, je visite une vendeuse de poulet palestinienne. Le plafond de sa boutique s’est effondré pendant les bombardements israéliens. Le prêt va lui permettre de réparer son plafond afin de poursuivre son activité économique, et rembourser peu à peu ses échéances.

Dans ce contexte de crise financière et de guerre que vit le Liban, je suis impressionné par le taux de recouvrement des prêts d’Al Majmoua qui atteint 98%. Y compris au Sud Liban et dans la plaine de la Bekaa ravagés par les bombardements.

Chez les bénéficiaires de prêts rencontrés, je ressens un fort sentiment d’identification à Al Majmoua et une reconnaissance. Pour eux rien n’est plus important de payer, car Al Majmoua est la seule entité qui peut leur prêter pour leurs projets. Ils espèrent que l’association pourra continuer de les aider à se relever.

Une vision globale de la lutte contre la pauvreté

Moi, je me suis totalement retrouvé dans l’approche d’Al Majmoua.

Pour Al Majmoua, le microcrédit n’est pas une fin en soi, mais d’abord un moyen de lutter contre la pauvreté. Il s’agit d’une association qui mène à la fois des activités financières et non financières. Pour accompagner ses membres, elle agit sur différents leviers : le financement, mais aussi l’éducation, et l’organisation. Elle propose par exemple un programme d’éducation financière : comment gérer un prêt, un budget, un prévisionnel. Toute une culture entrepreneuriale de base, extrêmement importante pour sortir de la pauvreté.

Cette posture n’est pas si fréquente dans le monde de la microfinance. Mais elle correspond totalement à la SIDI qui propose à la fois des services financiers et de l’accompagnement.

Pour moi, cette approche globale est la plus efficace pour lutter contre la pauvreté. Car la pauvreté a de nombreuses facettes et le crédit, seul, ne résout rien.

Accompagner Al Majmoua dans sa renaissance

Ce n’est pas facile d’envisager de prêter de nouveau au Liban. La SIDI (ou plutôt le FID, le fonds de garantie abondé par des congrégations, le CCFD-Terre Solidaire et la SIDI elle-même) a dû couvrir des pertes importantes. Mais cela me parait être le bon moment pour accompagner Al Majmoua dans son redéploiement, alors que si peu d’organisations la soutiennent. C’est une institution qui me semble détenir le potentiel et les qualités pour se redresser.

Dans un contexte où la pauvreté a explosé, la demande en microcrédit est très importante. Or jusqu’à maintenant personne ne veut retourner au Liban. Pour la SIDI qui « souhaite aller là où les autres ne vont pas », cela ne prendrait-il pas tout son sens de s’engager à nouveau ?

C’est notre job, en tant que chargé de partenariats, de maintenir cet équilibre entre préserver les ressources des actionnaires de la SIDI et répondre à la mission qu’ils nous confient.

 

Propos recueillis par Anne-Isabelle Barthélémy

Crédits photo : Philippe Lissac – agence Godong /SIDI; sauf photo couverture ADIE

Vanille de Madagascar, rencontre au bout du monde avec un nouveau partenaire

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Retour de mission : Gabrielle Orliange nous raconte son périple hors du commun pour remonter la route de la vanille et nouer un nouveau partenariat pour la SIDI.

Avant de sublimer nos glaces, cannelés et crèmes anglaises, saviez-vous que la vanille parcourait une route semée d’embûches ? Pour la SIDI, Gabrielle Orliange a remonté le chemin de la vanille à la rencontre des coopératives, depuis Tananarive, capitale de Madagascar, jusqu’à la jungle des environs de Mananara. Nous vous proposons de la suivre, notamment le jour où elle rejoint une zone particulièrement isolée, et découvrir ainsi également une nouvelle facette du métier de chargé de partenariats à la SIDI.

Je réside à Madagascar où je suis chargée de partenariats à mi-temps pour la SIDI. Après avoir identifié un nouveau partenaire possible dans le secteur agricole, j’avais besoin d’aller le rencontrer sur le terrain. MVE (Madagascar Vanilla Export) est une PME familiale qui transforme la vanille pour pouvoir l’exporter. Elle achète la vanille à deux coopératives de producteurs et productrices, et les aide aussi à se structurer.

Après quatre mois d’échanges par mail, j’ai organisé une mission de sept jours à leur rencontre afin de présenter un rapport détaillé au Comité de financement de la SIDI dans la perspective d’un prêt.

MVE est basée à Tamatave, à environ 400 kilomètres de Tananarive, la capitale de Madagascar où je vis. Parcourir cette distance m’a pris une journée entière de taxi brousse. Puis j’ai continué en 4X4 encore deux journées sur des chemins cahoteux, à la rencontre des producteurs des zones littorales.

Rencontre sur les hauts plateaux

En ce quatrième jour, je dois rejoindre un village près de Mananara, situé sur des “hauts plateaux”1, dans une forêt très dense. C’est ici, dans cette zone particulièrement reculée, que pousse la vanille de meilleure qualité.

La piste est trop étroite pour un 4X4, et nous commençons par deux heures de moto dans la boue.  Lorsque j’arrive au village, une quinzaine de producteurs de la coopérative Label Vavasaha, qui en compte environ 500, sont réunis dans la salle commune du village. Je sens qu’ils ont surtout très envie de me montrer leurs plantations. Pour cela il faut encore s’enfoncer plus dans la jungle. Nous commençons par emprunter une pirogue, avant de finir par ouvrir le chemin à la machette.

Une fois arrivés, ils sont très fiers de me montrer leurs parcelles, là où se cultivent la plus belle vanille de Madagascar !

Je vois comme des gros haricots verts qui pendent des lianes enroulées autour des arbres. La vanille est une culture très exigeante, qui demande un soin constant. Originaire du Mexique, il faut la bouturer et féconder à la main les fleurs qui donneront la vanille.

Au bout du monde

Je suis frappée par l’isolement de ces producteurs. On a l’impression d’être au bout du monde. Madagascar est déjà une ile solitaire. L’immensité de son territoire ­et le manque d’accessibilité de la zone accroissent encore cette sensation.

D’une certaine façon, cet isolement, qui les protège des vols, arrange les producteurs. Mais en arrivant après quatre jours de transports acrobatiques, je comprends le coût logistique de la culture de la vanille. J’ai encore plus de respect pour MVE, obligé de faire avec cette réalité et son lot d’imprévus : les voitures en panne, les problèmes d’approvisionnement en carburant. Ce n’est pas évident d’aller chercher la vanille aussi loin.

La deuxième chose qui me marque, c’est de voir comment la vanille, par sa valeur, a permis de générer de la richesse. Même si ces zones sont très enclavées, je vois des motos un peu partout, des antennes paraboliques, des 4X4. Des biens très rares sur les plateaux agricoles proches de Tananarive, une région moins enclavée, mais plus pauvre, essentiellement productrice de riz.

Ici, tout le monde fait de la vanille, de quelques gousses à plusieurs kilos. Cette manne profite à tous, même si certains en profitent plus que d’autres.

Pour les producteurs et productrices, la différence vient de la manière d’écouler leur production. Ceux qui sont seuls ont plus de difficultés à vendre leur marchandise à bon prix. Mais ceux qui arrivent à se mettre en coopérative parviennent à négocier et vendre leur production à un meilleur tarif. MVE est soucieuse d’acheter aux producteurs des coopératives la vanille à un prix plus élevé que les prix du marché.

Visite du site de transformation

Sur la route du retour, je passe voir le site de la transformation finale, à Tamatave. L’entrepôt de MVE est situé dans un lieu discret, sain et sécurisé, avec des gardes.

Ici la vanille est séchée au soleil pendant plusieurs semaines. Ensuite les gousses sont triées avant d’être affinées dans des caissons pour développer leur arôme. Après plusieurs mois, elles sont contrôlées et classées par qualité avant d’être conditionnées pour l’exportation.

Dernière étape, la vanille est envoyée à Tananarive avant d’être expédiée en Europe. Les gousses, fragiles, voyagent par avion. La poudre, plus résistante, peut voyager en bateau. Il ne faut pas moins de 90 jours en moyenne pour rejoindre la France depuis Tananarive.

Une mission hors du commun

Cette mission aura été une véritable découverte pour moi qui vit pourtant à Madagascar. Jamais je ne me suis enfoncée aussi loin dans le pays. Les autres partenaires avec qui nous travaillons sur l’île dans le secteur de la microfinance sont beaucoup plus accessibles. Cela nous permet de trouver un équilibre. Si le partenariat avec MVE est un plus risqué financièrement pour la SIDI, il répond à sa vocation de soutenir le secteur agricole et de solidifier ce genre d’entreprises.

Comme c’est une structure qui n’a jamais bénéficié d’investissements, le prêt de la SIDI représente une vraie valeur ajoutée pour elle. C’est ce que nous appelons un « partenaire à impact », dont j’ai pu mesurer sur place l’engagement social et environnemental.

Le prêt a été décaissé à l’été 2024. Grâce à lui, la vanille a pu être achetée aux producteurs. Comme chaque année à cette époque, MVE est en attente de l’agrément d’exportation aux acheteur européens. La vente de la vanille permettra à MVE de rembourser le prêt de la Sidi. S’ils arrivent à rembourser et à tenir les délais, le prêt pourra être renouvelé en 2025 pour leur permettre d’acheter la vanille cet été.

 

Propos recueillis par Anne-Isabelle Barthélémy

 

1. Ce sont des hauts plateaux mais qui n’ont rien à voir avec la région des hauts plateaux malagasy qui culminent à 1500 m

Témoignage à l’assemblée générale de la SIDI : résilience et impact social de la Financiera FDL

présentation Julio Flores AG SIDI

A l'occasion de son Assemblée générale, la SIDI a invité Julio Flores, directeur général de la Financiera FDL.

Cette année, l’assemblée générale fut l’occasion pour la SIDI d’inviter l’un de ses partenaires à témoigner. Julio Flores, directeur général de la Financiera FDL, est venu présenter l’activité de cette institution de microfinance (IMF) qui œuvre au Nicaragua, 2ème pays le plus pauvre d’Amérique centrale.

Les échanges fructueux entre Julio Flores et les actionnaires de la SIDI se sont également poursuivis le lendemain matin, lors d’une session questions – réponses. Ce temps a permis d’entrer plus en détails dans l’activité de FFDL et de sa formidable capacité de résilience face aux crises.

L’ONG Fondo de Desarrollo Local (FDL), est créée en 1993 par les Jésuites, à la suite de la guerre civile. L’objectif de FDL est d’améliorer les conditions de vie des Nicaraguayens les plus vulnérables en leur fournissant des prêts, des formations et des services d’accompagnement pour les aider à développer leur activité et alors que les banques ne s’intéressent pas à ce public. Financiera FDL est devenue la première IMF du pays et une des plus importantes d’Amérique centrale. L’institution cible principalement les personnes à faible revenu, les agriculteurs, éleveurs et micro-entrepreneurs en milieu périurbain. Grâce à 38 agences, la Financiera dispose d’un maillage territorial important, lui permettant de réaliser 70% de ses crédits en zone rurale, auprès de populations ayant peu d’accès aux crédits.

 

La Financiera FDL et sa résilience face aux crises.

L’essor de FDL a été ralenti une première fois par la crise de 2008 à 2011. En plus de la crise économique mondiale, un mouvement politique anti IMF « Movimiento del no pago » (mouvement de non-paiement), s’est développé. Il a conduit à la baisse du nombre de clients et des défauts de paiements dans le secteur de la microfinance. FDL, malgré une baisse du portefeuille et des clients d’environ 50%, a réussi à se restructurer, avant de créer, en parallèle de l’ONG, la société financière Financiera FDL (FFDL) en 2016. Pour structurer cette société financière, FDL a choisi « des partenaires internationaux partageant sa vision ». C’est ainsi que la SIDI est entrée au capital comme actionnaire minoritaire.

Une seconde crise a touché le pays de 2018 à 2021. Le conflit politico social (répression meurtrière par le régime autoritaire) et l’instabilité économique ont provoqué une contraction du PIB pendant trois ans. Des migrations massives (10% de la population a fui le pays) ont été causées par la persécution contre la société civile, dont l’Église. Le nombre de clients de FFDL a chuté. Cette récession et la baisse de l’activité ont été aggravées par la crise Covid. Plusieurs IMF ont fait faillite, tandis que le portefeuille de FFDL a de nouveau diminué de 50% (plus de 6 millions de dollars de pertes en 2018 et 2019)

Pour s’en sortir, FFDL a surmonté plusieurs enjeux : le renouvellement de sa clientèle, la consolidation de son portefeuille et la constitution de réserves. Pour l’appuyer, la SIDI a participé à la recapitalisation de FFDL et fait un prêt subordonné à 5 ans (encours total de plus de 1,7 M€ en 2023). Cette seconde prise de participation porte à 4,4% la part de la SIDI dans le capital de FFDL. Fort du soutien de ses actionnaires internationaux, FFDL a pu négocier avec les bailleurs de fonds qu’ils maintiennent les lignes de crédit.

FFDL a réalisé un redressement spectaculaire. Le portefeuille est en croissance depuis la fin de la crise, avec une prévision de +12% en 2024, ce qui va permettre de recouvrir les 6 millions de dollars de pertes enregistrées ces dernières années. Tout ceci a été rendu possible grâce également au sérieux de la gestion et au savoir-faire de la direction de l’entreprise.

 

FFDL une IMF à fort impact social et environnemental.

Le Nicaragua est un des pays les plus exposés au changement climatique. L’économie repose en partie sur l’élevage bovin (54% des terres agricoles) et le taux de déforestation est le second plus élevé d’Amérique centrale. Ces activités sont fortement polluantes et destructrices, alors que de graves sécheresses réduisent les rendements agricoles de 20 à 40%.

L’IMF a développé depuis des années une offre d’accompagnement très complète à la transition agroécologique, à destination des producteurs et éleveurs. L’accompagnement des producteurs aux pratiques agroécologiques porte sur des thèmes comme la gestion de l’eau ou l’arboriculture combinée à l’élevage. Cette assistance technique est prise en charge partiellement ou intégralement par FFDL selon le niveau de vie des clients.

Afin d’améliorer les revenus des producteurs et de réduire la pauvreté, FFDL soutient la transformation des produits, tels que le conditionnement du café pour l’exportation. Cette transformation de la matière première sur place par les producteurs permet de créer de la valeur ajoutée, de diminuer le nombre d’intermédiaires et ainsi, de vendre leur production à un prix supérieur, garantissant ainsi de meilleurs revenus aux producteurs locaux.

FFDL cherche à maximiser son impact et les résultats sont là. Selon une enquête indépendante en partie financée par la SIDI, en 2023, plus de 60% des clients de FFDL déclarent ressentir une amélioration de leur niveau de vie. La structure adapte ses prêts en montant et en durée selon les besoins des clients. Elle octroie des prêts de 14 mois en moyenne (pour les commerçants et les entreprises) jusqu’à 36 mois pour les activités agricoles. Cela a valu à FFDL d’être récompensée par le Microfinance Index en 2023. (voir l’article sur ce sujet).

FFDL fait preuve d’une résilience impressionnante, tout en maintenant une forte dimension sociale et environnementale, avec une priorité sur l’inclusion financière en zone rurale et la protection de l’environnement.

Pour Julio Flores, « bien que la SIDI soit un actionnaire minoritaire, elle est très présente dans les moments importants de FFDL. La participation active de la SIDI à la gouvernance de FFDL avec l’implication d’un consultant bénévole (au sein de son Conseil d’Administration) est déterminante ».

Voyage en Equateur pour les actionnaires de la SIDI

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Actionnaires individuels de la SIDI, ils sont partis en Equateur début septembre à la rencontre de deux partenaires locaux et de leurs bénéficiaires. Un voyage organisé par la SIDI pour leur permettre de découvrir le travail extraordinaire réalisé localement et pour se rendre compte sur le terrain de ce que leur engagement comme actionnaires solidaires permet très concrètement.

Voici le témoignage de l’une d’entre elles avec Alicia, agricultrice et cliente de Banco Codesarrollo, la banque équatorienne de l’économie sociale et populaire dont la Sidi est actionnaire depuis 2016.

Rencontre en Equateur – par Nathalie Verhulst, actionnaire SIDI

Expérience d’un développement solidaire et écologique

En Équateur comme ailleurs, les enjeux sociaux et climatiques sont liés. L’expérience d’Alicia, agricultrice dans la sierra au nord du pays, nous montre comment la solidarité et la volonté de développer un système économique soutenable peuvent porter des fruits à l’échelle d’un territoire.

Alicia est cheffe de l’exploitation « Rayon de soleil », une ferme de type « SIPAS » : Système familial Intégré de Production Agricole Soutenable, c’est-à-dire une ferme d’un hectare, auto-suffisante, qui prend en compte les problématiques de changement climatique par l’utilisation raisonnée des ressources et par des plantations qui préviennent les ruissellements et maintiennent l’humidité. Elle est présidente de sa communauté villageoise « San Petro alto ». Chaque ferme de la communauté, au-delà de son autosuffisance, commercialise des produits transformés différents – galettes, fromage, cochon d’inde rôtis… – pour éviter la concurrence entre fermes.

Leader de l’agro-écologie

Alicia et son mari ont pu transformer leur ferme en « SIPAS » grâce au micro-crédit fourni par Banco Codesarrollo et à l’appui technique du groupe social FEPP (Fonds Equatorien Popularum Progressio).

L’enjeu écologique des « SIPAS » est très important dans la province d’Imbabura où vit Alicia, région très fertile du nord de l’Équateur où la culture intensive de la pomme de terre entraine érosion et pollution.

La communauté villageoise a ainsi pris conscience du rôle de la forêt primaire, a arrêté le défrichage. Elle a même commencé à reboiser, ce qui permet de limiter les méfaits du vent sur les exploitations.

Funder, fondation éducative de la FEPP, forme les villageois au modèle «SIPAS ». Outre le reboisement, Alicia et sa famille ont commencé à utiliser le biogaz issu du retraitement des déchets de la ferme à la place du bois pour le chauffage et la cuisine. Les déchets sont également utilisés pour le compost et l’alimentation des animaux. La gestion de l’eau – réservoirs, arrosage par goutte-à-goutte – garantie l’usage raisonné de l’eau de source et de l’eau de pluie.

Village solidaire

Au-delà de la non concurrence, chaque ferme cotise pour un fond commun qui permet de faire face aux difficultés individuelles – maladie, sinistre…- au sein de la communauté.

La ferme « Rayon de soleil » est un lieu de formation pour les autres exploitants agricoles du village qui viennent découvrir les nouvelles techniques permettant l’autosuffisance et la production soutenable.

Banco Codesarrollo et Funder sont deux outils de la FEPP dont la devise est « Mieux s’aimer, être heureux et vivre en paix ». Alicia l’illustre avec un grand sourire quand on lui demande ce que son projet a changé pour elle : « Cela a tout changé. Nous nous en sortons bien économiquement. Nous montrons la voie à nos voisins et amis. Par exemple, nous avons tous de la passiflore, mais seule la nôtre donnait du fruit. Les voisins ont pu copier notre technique ».

Solidarité avec le Liban

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[chapeau]Face à l’explosion sans précédent qui a touché le port de Beyrouth et ses habitants le 4 août dernier, le Président de l’association FTL, partenaire de longue date de la SIDI, appelle à la solidarité pour pouvoir venir en aide aux sinistrés.[/chapeau]

La SIDI est partenaire depuis de nombreuses années avec l’association FTL (Fair Trade Lebanon) qui cherche à  favoriser le développement économique et social des zones rurales libanaises, notamment par l’appui de petites coopératives et d’exploitations agricoles familiales. La SIDI a joué un rôle déterminant dans la création de sa filiale de commercialisation FTTL (Fair Trade Lebanon Tourism Limited) dont elle est actionnaire fondatrice et mène un accompagnement technique important pour le maintien de son activité.

L’explosion dévastatrice qui est survenue le 4 août dernier dans le port de Beyrouth au Liban a causé la mort d’une centaine de personnes et détruit les logements de centaines de milliers de familles qui se retrouvent désormais sans-abri. Le Président de l’association FTL, Philippe ADAIME, témoigne de la gravité de la situation qu’il qualifie de « jamais vue » dans un pays déjà fortement gangréné par la corruption et éprouvé par la crise politique et économique depuis 2019. L’association appelle à la solidarité pour lui permettre d’aider les plus touchés par l’explosion et prévoit, en lien avec les coopératives agricoles du pays, de répondre rapidement à la catastrophe en finançant la production de paniers alimentaires à destination des sinistrés.

Découvrez le témoignage de Philippe Adaime en cliquant ici